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Alarmes Egales II
26 mars 2011

Sont-ce de sûrs souvenirs, Suzette, ou suscitent-ils le soupçon ?

Les souvenirs d'enfance… Il y a quelque chose de troublant dans la coloration qu'ils peuvent prendre, dans l'hésitation qui peut naître de la réflexion à leur sujet, et dans le doute, soudain, qui peut s'insinuer: comment être sûr qu'un souvenir est un vrai souvenir, et qu'il n'est pas la mise en forme, la (re)construction d'un événement, d'un épisode qu'on aura entendu narrer, à de multiples reprises, par sa mère ou par son père ? Deux sens au moins semblent toutefois ne pouvoir aucunement être pollués par un discours extérieur: ce qui a trait au toucher et à l'ouïe. Comment imaginer en effet le souvenir d'une sensation sur sa peau, d'un son entendu dans le secret de sa chambre, qui nous serait inspiré par le discours d'autrui ?

* * * * * * *

Le canapé est assez austère. Son dossier droit, bordé d'un cadre de bois sombre où se dessine quelque feuillage, plaque contre le mur. Vers le bas, une frange de gros fils torsadés masque les quatre pieds du meuble. A chaque extrémité, un accoudoir très sobre, se terminant en une simple volute relativement massive, se révèle indépendant de l'assise du canapé. En le soulevant, une accroche métallique permet en effet de l'incliner sur deux positions, ceci autorisant de s'y étendre à défaut de s'y endormir vraiment. Mais c'est surtout son tissu qui attribue à ce canapé un aspect pour le moins spartiate. Le sombre et l'anthracite y dominent, le tout constellé néanmoins de petits motifs géométriques régulièrement répétés, où quelques pâles couleurs soulagent l'ensemble sans forcément l'égayer.

L'enfant y est inconfortablement installé, les jambes à la fois écartées et repliées sous lui. Il doit y rester de longues minutes, chaque matin. «Faire la grenouille», a dit le médecin, pour l'y inciter et pensant ainsi conférer une touche ludique à ce traitement. Mais l'enfant est docile, et subit l'exercice avec patience. Pour le distraire, sa mère lui a donné une boîte métallique ronde et bleue, au couvercle incurvé, et renfermant de nombreuses épingles dont les grosses têtes sphériques éclatent de couleurs. Alors, penché en avant et l'esprit concentré, l'enfant oublie le temps en piquant l'une après l'autre chacune de ces épingles sur les dessins du tissu, organisant au gré de son inspiration de naïfs mandalas que le soleil vient petit à petit frapper de ses rayons au fur et à mesure que le jour se lève.

L'enfant ne sait pas encore que, beaucoup beaucoup plus tard, il aura oublié l'inconfort de la posture qu'on lui impose, mais qu'il se souviendra très précisément de la résistance du tissu sous la pointe de l'épingle et du petit bruit lorsqu'il cède sous la pression, de la douceur du velours sous les doigts, contrastant avec la froide fermeté des épingles qui y sont enfoncées, du cliquetis de ces dernières une fois réintroduites dans la boîte… Ça, aucun élément extérieur ne pourrait le lui insuffler…

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Commentaires
V
J'en conviens… "goût du vertige" aurait mieux convenu. Il y a quelque chose de plus… de moins… définitif !<br /> Belle nuit, Ombre
L
je préfère en effet comme l'évoquait Stoppard les brûler une fois franchis ...<br /> la mémoire se chargera de me restituer ce qu'elle en aura retenu ...<br /> <br /> sans goût de l'abîme ? Seriez-vous prêt à sauter dans le vide et l'inconnu Vertumne ?<br /> <br /> Prenez-garde à vous tout de même, car même si la chute est douce,parfois elle donne le vertige ;0)
V
L'idée même de conserver tous nos ponts derrière nous, de pouvoir ainsi retourner en arrière, sans effort, sans surprise, sans émoi, sans goût de l'abîme… Quelle fadeur !<br /> Très beau soleil à vous
L
je viens de lire cette phrase de Tom Stoppard et elle m'a fait penser à votre article, alors je vous la note ici, <br /> Cette phrase c'était :<br /> <br /> " Nous traversons nos ponts, quand nous arrivons à eux, et les brûlons derrière nous. Il ne nous reste rien pour trouver le chemin parcouru à part le souvenir d'une odeur de fumée et l'idée que peut être cette fois là, nos yeux ont pleurés. ."<br /> <br /> Voilà c'était mon petit bonsoir du soir
L
Gloup's...<br /> <br /> j'ai encore oublié le bonjour, le bonsoir, et le bonne nuit...<br /> Donc je recommence "Clap 2ème!"<br /> <br /> -Bonjour Vertumne, Pour contredire un peu P. Géraldy (...) Ou, Quand la neutralité n'est pas le monopole de la Suisse.Bonsoir Vertumne et bonne nuit...<br /> <br /> Oualacéfé<br /> in the boite <br /> <br /> <br /> Et Je me rends bien compte que, si je maitrise un peu l'art difficile de la neutralité, <br /> je dois encore faire mes preuves dans celui périlleux de la diplomatie :0)
Alarmes Egales II
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