De l'autre côté du fleuve…
Je vous dirai ces temps où le jour succédait à la nuit et puis la nuit au jour, et entre les deux une aube violette où les corps s'éveillaient lentement, et encore entre les deux un lent crépuscule messager de veillées rassurantes et de rêves profonds.
Dites-moi si, de l'autre côté du fleuve, une fois le soir venu, des brumes discrètes entourent aussi la cime des arbres s'accrochant à la lune…
Je vous dirai ces hivers s'éternisant en un long après-midi de grisaille, percé du cri des corneilles, où la neige garde la trace des pattes du chat jusqu'au bûcher ou de quelques oiseaux en quête de graine.
Dites-moi si, de l'autre côté du fleuve, quand la chaleur revient, ces animaux muets qui hantent les campagnes viennent aussi s'abreuver sur vos berges…
Je vous dirai ces fados, au matin, balayant les restes de la nuit qui s'éteint, ou ces musiques lointaines, entendues parfois dans d'obscures alcôves.
Dites-moi si, de l'autre côté du fleuve, nous sommes aussi les enfants de ces désastres et de ces bonheurs, prêts à accoucher à notre tour de semblables désastres et de semblables bonheurs…