Froissements égarés
La salle est vaste, vide, et silencieuse. Quelques tables, quelques chaises, certaines renversées. Un vieux piano, près d'une fenêtre. La faible clarté de la nuit projette sur les lames du plancher les ombres frémissantes du tilleul dressé dans la cour. L'homme est seul, debout et immobile au fond de la salle, comme s'il attendait la fin de la nuit tout en espérant que le jour ne se lève pas.
Puis il voit sa silhouette, dans l'embrasure de la porte. Lentement, elle s'avance vers lui, glissant ses pieds nus sur le plancher. Elle vient jusqu'à lui, plaque son corps contre le sien, ses seins contre sa poitrine, son front contre son épaule. Le long de leurs cuisses, leurs mains s'effleurent, s'évitent et se retrouvent, se respirent comme des bêtes blessées. Alors, dans le silence de la nuit, sans musique, ils se mettent à danser. Doucement ils dansent, comme pour bercer le temps dans l'espoir de le retenir.
Et dans son regard à lui, un apaisement, momentané, puis une lueur de crainte, diffuse, avant que ne vienne le tranquille effroi face au gouffre avalant ses rêves de temples persans où des feux brûlent depuis des siècles, et au fond duquel les anges se sont endormis.