Une dominicale solitude
La table est longue, joliment décorée. Ils se sont tous installés dans un joyeux brouhaha de retrouvailles et d'embrassades. Ils lui ont ôté son manteau, du regard elle a demandé où s'asseoir. Ils l'ont placée au centre de l'assemblée, elle l'aïeule, entourée des trois générations qui la suivent. Divers cadeaux qui lui seront offerts au café sont déposés sur les appuis de fenêtres. Les enfants courent entre les chaises, quelques coups d'oeil d'un oncle ou d'une tante les incitent à plus de modération. Le patron apporte le vin,les verres se remplissent, on trinque à cet anniversaire plus que respectable, elle sourit. Puis les éclats de voix s'estompent, les conversations se font plus discrètes, plus privées. Au fond, on parle peut-être jardinage, à droite on évoque quelques faits d'actualité, un des gendres fait plusieurs allers-retours à l'extérieur pour fumer ses cigarettes. Au centre de la table, elle se retrouve seule, toutes les têtes s'étant détournées. Par petites gorgées, elle vide son verre de vin, jette quelques regards attendris sur ses arrière-petits-enfants à qui on a donné des crayons de couleur pour patienter. Une assiette est déposée devant elle, elle s'interroge (elle n'a jamais mangé "indien"…), hésite, attendant peut-être un signe qui ne vient pas, puis se met à manger. Toute seule, comme à l'hospice…